Gîte Le Closet Fertans (17-19 gde rue, 25330)
Samedi 23 octobre 2021
Atelier de philosophie plébéienne
Atelier… cela veut dire un essai d’abandon de l’autorité du maître et de la posture d’élève au profit d’une tentative de production en commun.
Centre de Réflexion et de Documentation sur les Philosophies Plébéiennes
de l’association « Voyons où la philo mène… »
ÉcosmogonieS : habiter la pluralité des mondes
Cet atelier vient à la suite de « ÉcologieS : changer de monde pour le sauver ? »
Argumentaire :
Avec un monde qui périclite un peu plus chaque jour, nous ne savons plus où et comment habiter. Nous cherchons d’autres contrées, plus loin que l’horizon terrestre, plus loin que l’horizon quotidien. Nous oscillons entre horizon de l’imaginaire, du divertissement, des séries et horizon orbital, où nous entrons dans un mo(n)de « Pesquet » avec, à la clef, un nouveau colonialisme, un tourisme pour milliardaires… Nous regardons ailleurs, car nous ne savons plus voir de près. Certes le près n’est pas joli à voir : des dômes de béton, de cristal, enfermant les riches dans des demeures ultra-protégées, luxueuses et les pauvres dans des banlieues ou bidonvilles. Le monde ne fait plus rêver, il est sans mystère et le peuple politique manque. Mais avec ces modes de déterritorialisation reterritorialisante (évasion ou quête des étoiles), ne sommes-nous pas prisonniers d’une certaine métaphysique ? Celle de l’ailleurs. Ne sommes-nous pas restés platoniciens ? Nous nous sommes peu à peu coupés de la Nature, dans notre conquête et domination du monde, persuadés que nous avions un monde propre, un monde enfin à notre image.
Dès lors, comment s’orienter à nouveau dans une époque où habiter n’est plus qu’occuper un territoire ? La Nature n’est-elle pas justement notre mode d’habiter originel ? Notre erreur ne vient-elle pas de ce que nous supposons que la Nature est faite d’une seule pièce, qu’elle n’est souvent qu’un simple lieu à occuper, à investir, à arraisonner ? Alors que, comme le suggère l’étude des mondes animaux, elle est déjà tissée d’une pluralité de mondes différents. L’écologie peut nous aider à reprendre pied. Mais cela ne signifie pas qu’elle doit se débarrasser de toute métaphysique. Nous avons besoin pour cela d’une forme de vitalité : l’écosmogonie. L’écosmogonie, c’est la part intensive, la part du changement, la productivité de la Nature qui devrait être comprise dans toute pensée écologique.
Habiter ce n’est pas se positionner en face de la Nature mais expérimenter des modes d’habiter productifs et cela est tout aussi vrai pour notre rapport à la matière, peu considérée par la pensée écologique, contrairement aux anciennes philosophies de la Nature. Retourner à la nature c’est accéder aux devenirs, aux résonances multiples et spirituelles qui sont possibles dans notre rapport avec elle. Nous proposerons d’expérimenter ces devenirs, cette pluralité de modes d’habiter, leurs changements en convoquant d’un côté une nouvelle philosophie de la Nature (et donc de l’Esprit) et de l’autre le cinéma écologique des années 1970.
9h Accueil au gîte
9h15 – 12h15 (avec pause) « Les paliers du changement : La philosophie de la nature de L’Immeuble du mobile » Philippe Roy
Pour faire vivre des mondes, en leurs différences, il faut les habiter. Je montrerai qu’on les habite en saisissant leurs gestes. Et les habiter ainsi est aussi les penser, bien plus c’est penser la pensée. Je proposerai d’accéder à ces mondes de la Nature en m’appuyant sur ce qui paraît, en apparence, n’être en rien vivant, ni gestuel : le physico-mathématique. En reprenant, commentant, développant les intuitions déployées dans mon livre L’Immeuble du mobile. Une philosophie de la nature avec Châtelet et Deleuze, j’établirai que la différence des mondes repose sur des différences de paliers de la Nature et de l’Esprit. On verra alors, plus profondément, que ces différences sont celles de la production-événementielle du Temps, c’est-à-dire d’une forme de cosmogonie gestuelle-et-temporelle. Gravir des paliers sera donc équivalent à remonter dans le Temps, en sa scission, dans ce qui conditionne les résonances, les retentissements, les relations non localisables, troublantes et ambiguës qui hantent la Nature-et-l’Esprit. Car l’écologie se doit de ne pas opposer la vie à la matière (considérée comme inerte), ni la Nature à l’Esprit, le réel au virtuel ou encore le mobile à l’immobile, l’être au devenir, tels sont les enjeux de la nouvelle philosophie de la Nature que je défendrai, impliquant de multiples réorientations ainsi que d’autres manières de penser.
Apéro puis repas
14h30 – 16h30 Film « Phase IV » (sept 1974, USA) de Saul Bass
Échanges à la suite du film, animés par Joachim Daniel Dupuis
Pendant l’été 1971, le producteur Paul N.Radin propose à Saul Bass de faire un film de fourmis (« an ant story ») opposant, dans une lutte darwinienne, l’homme au monde animal, mais celui qui n’a jusqu’ici fait que des courts-métrages et des génériques devenus célèbres décide, avec l’aide de son ami, scénariste, Mayo Simon, d’aller plus loin. Ils veulent dépasser le simple conflit et proposer un film « écologique » d’un nouveau genre, et non un simple film traditionnel de monstre. Et en effet, Phase IV est atypique, inclassable, quand on le regarde. Il oscille entre plusieurs genres : thriller, science-fiction, horreur, et en même temps nous fait nous interroger sur les enjeux de l’écosmogonie. L’originalité du film est de ne pas se contenter de faire un film qui pointe les dangers que les hommes font peser sur l’avenir de la Terre, comme il se fait à la même époque à Hollywood, mais de réfléchir aux conditions réelles d’un changement écologique. Le pitch éclaire de lui-même cette dimension écosmogonique de l’écologie qui est au cœur du film.
Suite à un événement cosmique (solaire) inexpliqué, des fourmis deviennent plus intelligentes et s’unissent entre espèces différentes et font peser sur l’humanité la menace d’une extinction. C’est du moins comme cela que des scientifiques, postés en éclaireurs pour analyser le phénomène, l’envisagent. Leur réponse est l’extermination chimique. Mais les fourmis ne se laisseront pas faire, elles ne sont pas des monstres, elles agissent pour « changer » l’homme, le faire bifurquer de sa voie d’évolution qui le coupait de la Nature. Une régénération écologique est en marche, où l’homme aura une autre nature, une autre place.
16h45 – 19h « Les orbites du changement : Le cinéma écologique des années 70 » Joachim Daniel Dupuis
Le cinéma offre un laboratoire merveilleux pour penser l’ontologie sous-jacente aux postures écologiques qui traversent la pensée des cinéastes en particulier dans les années 70. Les films de cette époque qu’on qualifie d’écologiques offrent des exemples parfois remarquables d’écosmogonies, en particulier le film inclassable de Saul Bass : Phase IV. Chacun d’eux entre dans des lignes de déterritorialisation ou de reterritorialisation, pour parler comme Deleuze et Guattari, autrement dit des régimes du changement. Car l’écosmogonie, c’est penser le changement, c’est penser non seulement la Nature autrement, mais aussi notre nature en dehors des fenêtres de décollage qui sont les siennes ordinairement.
On pourrait distinguer plusieurs phases ou niveaux écosmogoniques :
– Une écosmogonie intra-terrestre, celle des gouffres de l’imagination, qui cherchent à protéger l’homme en le coupant plus ou moins de la Nature, tout en le laissant en son sein (c’est l’écart par exemple entre Long weekend, où l’homme en présence de la Nature devient, à la manière de The Birds, un ennemi à abattre et Logan’s Run, où l’homme n’existe plus que par recyclages, le tout sous le contrôle d’un ordinateur).
– Une écosmogonie extra-terrestre, où les dômes sont coupés de la nature, vide intersidéral, où l’homme se vide de sa territorialité, et met ses idées de liberté en apesanteur (Silent Running, Alien, avec sa logique colonialiste).
Et au milieu, une pensée du changement qui reconnecte avec la Nature, avec les animaux, avec tous ces devenirs, même si pour cela, l’orbite doit changer, se faire plus solaire (Phase IV, etc.) et même si l’homme ne doit plus être lui-même, un « dévoreur de mondes ».
Apéro puis repas
En soirée : petite surprise dix ans après la création de l’association en novembre 2011
Inscription obligatoire avant le samedi 16 octobre
Tarif de la journée (interventions + repas midi, boissons comprises) : 35 € (25 € chômeurs, étudiants). Sans le repas du midi : 15 € par demi-journée.
Possibilité d’hébergement au gîte “Le closet” de Fertans. Repas du soir au gîte : 10 €. Nuitée du samedi : 20€. Week-end complet (avec repas et nuitée du vendredi soir) : 85 €.
Inscription et renseignements :
crdpp25@gmail.com ou Philippe Roy 06 51 38 43 45 http://reseau.philoplebe.lautre.net/