Annonce atelier 15 juin 2024


Gîte Le Closet Fertans (17-19 gde rue, 25330)

Samedi 15 juin 2024

Atelier de philosophie plébéienne

Atelier… cela veut dire un essai d’abandon de l’autorité du maître et de la posture d’élève au profit d’une tentative de production en commun.

Centre de Réflexion et de Documentation sur les Philosophies Plébéiennes

de l’association « Voyons où la philo mène… »

Cris !

Argumentaire :

(C)RIons un peu

Crier, hurler

de peur de colère de joie de douleur de peine de tristesse de plaisir

cri de naissance, de renaissance

crier, encore, ou une dernière fois, ou une année avant-dernière

crier mal-dire mal-faire

crier de rater mieux encore

flinguer la bienséance les bonnes manières

le cri toujours inconvenant

un cri mauvaise odeur

le cri l’odeur l’animal

l’animal que je suis

une déchirure

un trou dans le décor

comment mieux finir – oh tout finir – que dans un cri

« … Tout cela comme des nuages un attroupement une foule complotante de moutons noirs de boucs de diables qui croissent se pressent et s’entassent te bousculent te chavirent et te débordent te déchirent de l’intérieur et ça crie et ça rit ça ronge ça gratte et ça grince aussi / Ça agite ça rend l’air plus lourd plus épais électrique prêt à recevoir la foudre »

9h Accueil

9h15 – 10h45 « Léviathan est-il soluble dans les cris ? » Christian Ruby

Ce qui serait sans doute plébéien dans le propos, ce serait moins d’évoquer la plèbe en soi que de partir de l’idée selon laquelle il est toujours possible, quelle que soit la situation faite par les patriciens, d’interrompre une situation. Et si le cri était l’un des instruments d’une telle fracture, par exemple du consensus diffusé par ces patriciens ? Voilà qui reviendrait à faire du cri un objet, sous forme d’un type de parole, que les institutions politiques dominantes (version démocratie moderne pour nous en tenir là, sinon à évoquer Montesquieu) ne peuvent pas intégrer mais doivent entendre du moins tactiquement. Peut-être par ailleurs devraient-elles aussi apprendre à le respecter d’autant qu’elles ne se sont engendrées que par des cris (on pourrait évoquer Claude Mazauric analysant la politique de Robespierre) ?

C’est d’ailleurs de « cri » (du latin critare, crier au secours, protester) que Varron fait dériver (même si le lexique ajoute « peu crédible ») le terme « citoyen » : celui qui dit quelque chose d’une voix retentissante. Étant entendu que les Grecs (Hésiode), comme l’époque médiévale (Élias), associent rire et cri, plutôt que cri et cité.

Suivant cette ligne et nos travaux publiés, nous souhaitons modestement soumettre le cri – au sens d’interruption et ici uniquement d’indignation et de dissentiment –, à l’épreuve politique, afin de désigner une forme d’intervention globalement publique et de lutte contre la peur instituée. C’est, pour partie, la question classique du droit de résistance.

Indignation et dissentiment engendrent et propulsent le cri. Une fois engendré, il a la propriété de se diffuser à travers le corps social (mimétisme du cri, dirait René Girard ; affect collectif, dirait Spinoza), constituant la réalité de la puissance de la masse qui veut résister dans un corps politique ou à telle forme du corps politique. Cris « d’indignation et de dissentiment » (Spinoza, Voltaire, d’Alembert) formulent une exigence de justice sociale (plébéienne ?) ? Les renversements de chefs (selon l’ethnologie), les séditions (selon Aristote), les révulsions indignées et les récriminations sociales contre les humiliations et les manquements à la dignité (des régimes au colonialisme…), les cris de manifestants dénonçant une insouciance à l’égard de telle ou telle relation sociale (Gilets jaunes ? Paysans ?), en font foi. Dans le cri, le droit patricien, le discours gouvernemental ou celui du chef sur la situation sont décriés comme incapables de la saisir.

Dans la requête de justice sociale et politique, celle de l’opposant, le cri rompt l’adhésion à ce qui est présenté comme consensus autour de la répartition de la parole. Il fait exploser la langue politique officielle pour laquelle tout est plein et parfait. Crier le vide du pouvoir ou le pouvoir comme vide lui annonce sa fin. Ce type de discours fait l’apocalypse du politique et amorce quelque chose qui est encore à accomplir, qui n’est toujours pas entrepris.

Les philosophes offrent une ample matière à réflexion sur ce thème : philosophes qui s’inquiètent de ces cris, philosophes qui lancent des cris, philosophes qui ignorent le cri ou qui posent le cri au cœur du politique.

11h – 12h30 « Portées de la voix — aux limites » Orgest Azizaj

On dit de quelqu’un (très souvent un homme, par ailleurs) qui a une voix forte, puissante, que « sa voix porte ». Que porte exactement la voix? Quoi, du sujet parlant, est porté par la voix, et vers où? 

La question de la voix est assez délicate en philosophie, pas mal souterraine, marginale ; la voix y est resté un « objet » très mal identifié, comme un résidu naturel entre les entités dignes et glorieuses que sont la pensée et la langue (logos) ; une espèce de matière première, brute, de l’expression, et qui ne prend son sens qu’une fois articulée. On peut dire ainsi, que la voix est quelque chose comme le plébéien de l’appareil expressif, celui qui porte — support ne valant pas pour soi, mais du valant-pour. 

Sauf, peut-être, si on l’élève… dans un cri, par exemple d’étonnement, ce qui est le commencement même de la philosophie. Les concepts, sont avant tout des cris, disait Deleuze. Car l’Être est avant tout clameur, que la connaissance tente de capter dans les rets du symbolique.     

Il y a une politique de la voix levée, qui est reliée à sa bonne ou mauvaise portée. La voix qui se hausse sous forme de ton, qui porte un ordre, et compte se faire entendre pour se faire obéir. Et la voix portée jusqu’à sa limite, voire au-delà, devient cri, et ne porte pas, servante, un sens préétabli, mais s’emporte et emporte avec elle le sujet parlant (défait, criant) dans une monstration de son propre être de voix.

Disons, qu’il y aurait la sale voix qui porte, et les belles voix, souvent cassées, où l’on s’emporte — qu’il y a, pour reprendre Rancière, une police du hurlement et une politique du cri. 

Ce n’est certainement pas aussi simple. Reste, que quelque chose d’inaliénable s’atteste dans la voix; qu’entre mutisme et cri, c’est souvent dans la recherche d’une (hauteur) de voix propre (Cavell) que se joue l’être même du sujet, et sa place dans la clameur du monde. 

Enfin, qu’est-ce qu’une voix insupportable ? Pourquoi est-elle, souvent, féminine ?   

Apéro puis repas

15h – 16h30 « À l’école, ça crie et ça rit ! » Sarah Roy

Entre les cris dans la cour de récréation, à la sortie de l’école. Les cris de l’institutrice dans sa classe. Les cris des élèves présentés comme « perturbateurs ».

Et puis il y a les cris que j’appellerais cri sourd, les appels à l’aide ou les appels au jeu. Et pas que des élèves, aussi des professeurs.

À l’école, ça crie ! Et pourtant, l’école est pour les élèves censés être ce que j’appelle une « safe place ».

Il y a là une vraie dualité de l’école. Une dualité du cri.

Alors qu’est-ce que le cri à l’école ? Et pourquoi, quelles sont les causes de ces différents cris ?

Comment nous, en tant qu’instituteurs, nous pouvons faire face à cela ? Qu’est-ce qui se cache derrière tous ces cris ?

17h – 18h30 « Pasolini. Le cri, le langage ; la parole, le théâtre » Alain Naze

On sait que Pasolini faisait du cri l’origine même du langage, ce qui lui permettra d’enraciner les langues (non standardisées) dans la réalité corporelle. Partant de là, on aurait pu penser que Pasolini, en venant à la question du théâtre, aurait été intéressé par les formes théâtrales de la « cruauté » (Artaud) et du cri. Or, il va affirmer son orientation vers un théâtre de la parole, notamment à l’écart des expériences du Living Théâtre.

Il s’agira, dans le cadre de cette intervention, de saisir les raisons de ce choix. On ne manquera pas, cependant, de noter que Pasolini ne reste pas insensible au « théâtre du cri ». C’est cette tension qu’on essaiera de comprendre, entre la position politique qu’il adopte, concernant le théâtre, et ce qui serait peut-être sa pente naturelle.

19h Apéro puis repas

Lecture surprise en soirée !

Inscription obligatoire avant le samedi 8 juin

Tarif de la journée (interventions + repas midi, boissons comprises) : 35 € (25 € chômeurs, étudiants). Sans le repas du midi : 15 € par demi-journée.

Possibilité d’hébergement au gîte “Le closet” de Fertans. Repas du soir au gîte : 10 €. Nuitée du samedi : 20€. Week-end complet (avec repas et nuitée du vendredi soir) : 85 €.

Inscription et renseignements :

crdpp25@gmail.com ou Philippe Roy 06 51 38 43 45 http://reseau.philoplebe.lautre.net/

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